Constatant des dysfonctionnements récurrents au niveau des guichets d’enregistrement de la demande de logement social, la Fondation Abbé Pierre, membre du réseau RéEL (Réseau national Égalité et Logement), a confié à un groupe de chercheurs une mission de test par correspondance (dit testing) sur l’ensemble des guichets recensés au niveau national. Son objet était d’évaluer les potentielles discriminations à l’œuvre dans l’information délivrée à la personne qui souhaite enregistrer une demande de logement social.
Cette étude inédite au niveau national révèle en premier lieu un dysfonctionnement majeur dans l’accès à l’information des demandeurs de logement social. Par ailleurs, elle démontre des pratiques discriminatoires en fonction de l’origine, certes plus faibles que celles observées dans l’accès au parc locatif privé, mais qui ne peuvent qu’interroger l’ensemble des acteurs du service public censés garantir un droit à l’information consacré par la législation.
Suite à la parution de cette étude, le ministre délégué au Logement, Olivier Klein a réagi auprès de l'AFP : "Toutes les formes de discriminations, quand il s'agit particulièrement du droit fondamental d'accéder à un logement, sont proprement insupportables et inacceptables".
L’étude teste les discriminations dans l’accès à l’information des demandeurs de logement social sur la base d’un échantillon composé de 1875 guichets d’enregistrement, soit près des deux tiers des guichets officiels en France entière. Entre avril et mai 2022, deux candidates ont envoyé à chacun de ces guichets des courriels indiquant qu’elles souhaitaient déposer un dossier de demande de logement social et sollicitant des informations sur les démarches à suivre. Les noms et prénoms des demandeuses suggèrent pour l’une une origine française et pour l’autre une origine d’Afrique de l’Ouest. Aucune autre information ne distingue les deux candidates.
L’étude montre d’une part que près de la moitié des guichets n’apporte aucune réponse aux demandes d’information des deux candidates, ce qui interroge sur la qualité du service public et sur l’un des objectifs principaux de la loi ALUR (Loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové - 2014) instaurant un droit à l’information et une équité de traitement du demandeur. D’autre part, parmi les guichets apportant au moins une réponse, plus d’un tiers ne répond qu’à une seule des deux candidates, le plus fréquemment à celle présumée d’origine française. Parmi les guichets qui apportent des réponses aux deux candidates, 22,6 % formulent des réponses différenciées à des demandes équivalentes : ils orientent de façon différente les deux candidates, ils accompagnent plus intensément la candidate présumée d’origine française, ou ils ajoutent des informations démotivantes pour la candidate présumée d’origine africaine. Les écarts de taux de réponse et de taux de réponse positive sont statistiquement significatifs. Au total, seulement 25,5 % des guichets répondent positivement et de manière similaire aux demandes d’information des deux candidates.
Les différences de taux de réponse et plus encore les différences dans le contenu des réponses sont essentiellement le fait des guichets gérés par les communes et non par les bailleurs sociaux. Ces discriminations se manifestent davantage dans les communes les plus "favorisées", par leur composition sociale (faible part des étrangers, des immigrés, des employés et ouvriers, des non diplômés), par leur situation économique (faibles taux de chômage, taux de pauvreté, revenu médian élevé), par la tension du marché locatif local (zone tendue, soumise au rattrapage SRU - Solidarité et Renouvellement Urbain). Elles ont pour conséquences d’orienter les demandeurs vers les localités les plus défavorisées, et donc de ne pas contribuer à la diversité sociale du logement. Ce comportement prend à contre-pied l'objectif d’égalité de traitement des demandeurs imposé par la loi et participe à la ségrégation sociale des quartiers.
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