L’objectif de la présente étude est de fournir une mesure du niveau de refus de soins discriminatoire, dans trois spécialités médicales (médecine générale, ophtalmologie et pédiatrie).
Les praticiens de l’échantillon ont fait l’objet d’une tentative d’appel par des patients des trois statuts (bénéficiaire de l’AME, de la CSS, ou sans aide). Les motifs utilisés pour solliciter un rendez-vous auprès des professionnels de santé correspondent à des motifs courants de consultation.
On parle de refus de soins discriminatoire lorsqu’un professionnel de santé refuse de recevoir ou traite moins bien un patient du fait de l’un de ces critères, ou parce qu’il est bénéficiaire d’une prestation comme la complémentaire santé solidaire (CSS) ou l’aide médicale de l’État (AME).
La CSS est accordée pour une période d’un an aux personnes résidant en France depuis plus de trois mois, en situation régulière et dont les ressources perçues au cours des douze derniers mois sont inférieures à un certain seuil. Contrairement aux bénéficiaires de la CSS, les bénéficiaires de l’AME sont des étrangers sans titre de séjour, ce qui ajoute à leur vulnérabilité.
Cette étude ne détecte pas statistiquement de discrimination à l’encontre des patients bénéficiaires de la CSS, bien que 1 à près de 2 % des appels de ces derniers ait conduit à un refus discriminatoire explicite. Ceci contraste avec les résultats d’études précédentes sur les bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS, prestations remplacées par la CSS en 2019. Si ces différences sont probablement liées en partie aux différentes spécialités étudiées, elles sont aussi probablement liées à la simplification des démarches induites par la nouvelle prestation, et à un meilleur écosystème entourant la prestation.
En revanche, dans un cadre marqué par de fortes difficultés d’accès aux soins pour tous, les résultats de l’étude mettent en évidence des discriminations envers les patients bénéficiaires de l’AME, qui ont une probabilité d’obtenir un rendez-vous de 10 à 12 points de pourcentage plus faible que celle des patients de référence. Le fait que les bénéficiaires de l’AME ne soient pas assurés sociaux et ne possèdent pas de carte Vitale induit, pour les professionnels de santé (et les caisses primaires d’assurance maladie), des démarches administratives plus complexes, ce qui pourrait peut-être, en partie du moins, expliquer ces pratiques discriminatoires. De plus, le stéréotype selon lequel ces patients seraient en moins bonne santé renforce l’hypothèse selon laquelle ces patients sont moins rentables (consultations, traitements et interactions plus longues). La réticence à l’égard de leur prise en charge est alors maximale si le praticien anticipe en plus de ces difficultés des délais ou des difficultés de remboursement liés à l’absence de carte Vitale.
Ces discriminations sont le fait d’une minorité de praticiens, mais ont une ampleur non négligeable et sont souvent exprimées de manière explicite par les praticiens.
Les bénéficiaires de l’AME ont entre 14 et 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous chez un généraliste par rapport aux patients de référence, entre 19 et 37 % de chances en moins chez un ophtalmologue et entre 5 et 27 % chez un pédiatre. Les discriminations envers les bénéficiaires de l’AME sont souvent explicites : 4 % des demandes de rendez-vous des patients bénéficiaires de l’AME chez un généraliste se soldent par un refus discriminatoire explicite, 7 % des appels pour prendre rendez-vous chez un pédiatre et 9 % des appels chez un ophtalmologue.
Details
- Geographic area
- France
- Contributor type
- Universitaires et experts
- Original source
- Posted by