La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) souligne dans son rapport annuel que l’année 2023 a été marquée en France par une forte progression du rejet de l’Autre, tant au niveau des opinions que des actes, et plus particulièrement des actes antisémites.
La CNCDH, qui mesure tous les ans le niveau du racisme en France, a vu pour cette année 2023 le fléchissement de « l’indice longitudinal de tolérance » pour la deuxième fois consécutive, après de nombreuses années de hausse continue. Ce recul soulève de sérieuses questions quant à l’évolution de la société française. Avec une diminution de trois points cette année du Baromètre annuel de la CNCDH, l’indice de tolérance se situe désormais à 62 sur 100. Cette dégradation est particulièrement préoccupante dans les réponses données aux questions sur les étrangers et les immigrés, indiquant une augmentation des attitudes intolérantes. La CNCDH avait déjà alerté l’an dernier sur la manière dont des stéréotypes haineux visant l’étranger et l’immigré étaient réactivés par des entrepreneurs en haine raciale, et étaient diffusés dans le débat public et médiatique.
Dans son focus de l’année de 2023, le rapport s’intéresse spécifiquement à la lutte contre le racisme et les discriminations à l’origine dans le monde du travail. Il explore d’une part la persistance d’assignations professionnelles dans la répartition des tâches et de certains métiers et d’autre part les discriminations à l’embauche et dans l’évolution professionnelle. Il analyse de manière critique les moyens déployés pour mettre en lumière ces phénomènes et lutter contre (qu’il s’agisse de prévention, mais aussi de sanction et de réparation).
La CNCDH propose 29 recommandations pour améliorer la connaissance et lutter contre les actes racistes, antisémites et xénophobes. Elle recommande notamment :
- De faire usage de l’éventail des peines prévues par le code pénal, afin d’adapter au mieux la sanction aux faits et à la personnalité de leur auteur.
- De continuer à renforcer la sensibilisation des services d’enquête de la police et de la gendarmerie à un accueil respectueux des victimes.
- De faire figurer, pour chaque plainte, une mention qui indiquerait s’il s’agit d’une infraction à caractère discriminatoire ou non...
- La création d’un organisme indépendant dédié à la lutte contre la haine en ligne, placé sous l’égide de l’Arcom.
- L’adoption d’un plan d’action national sur la formation à la citoyenneté numérique, afin d’assurer l’effectivité de l’éducation à la citoyenneté numérique dans le cadre scolaire.
- De diligenter des enquêtes régulières pour recueillir davantage de données sur les discriminations et les victimations d’actes racistes, antisémites et xénophobes.
- Que les pouvoirs publics soutiennent la recherche académique sur les actes racistes, antisémites, xénophobes et les discriminations.
En ce qui concerne le racisme et les discriminations dans le monde du travail la CNCDH recommande entre autre :
- de renforcer les prérogatives et les moyens de l’inspection du travail et de la médecine du travail dans la lutte contre les discriminations à caractère raciste...
- d’assurer la transparence et la traçabilité des processus de recrutement via la création d’un document unique de candidature à l’embauche...
- de mettre en place des formations approfondies dans les entreprises et administrations sur ces thématiques...
La CNCH relève que l'année 2023 est marquée par une très forte augmentation des actes racistes (+ 32 % - chiffres du SSMSI), avec en particulier une explosion des actes antisémites (+ 284% - chiffres de la DNRT). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution très préoccupante, au-delà des réactions à l'attaque terroriste du 7 octobre et aux opérations militaires d'Israël : la polarisation des débats relatifs au projet de loi Asile et Immigration, les émeutes qui ont suivi la mort de Nahel tué par un tir policier, l’attentat djihadiste contre le professeur Dominique Bernard à Arras, les violences qui ont suivi la mort de Thomas à Crépol. Ces actes, souvent médiatisés, ne font que renforcer ce fléau et mettent en lumière un antisémitisme toujours présent, prêt à ressurgir à tout moment et à se nourrir de prétextes, qu’ils soient d’origine nationale ou internationale. Cette situation alimente un fort sentiment d’insécurité tant parmi les Français juifs que musulmans, pour des raisons différentes.
Après plusieurs années d’amélioration et, dans la vague précédente, une stabilité, le rapport des Français à l’immigration se dégrade sensiblement cette année. Ainsi, plus d’un Français sur deux estime désormais qu’ « aujourd’hui en France, on ne se sent plus chez soi comme avant » (51 %), en hausse de 3 points par rapport à la précédente vague et, au total, de 8 points par rapport au niveau mesuré au printemps 2022. Plus clairement en lien avec l’immigration, on relève une progression de l’opinion selon laquelle « il y a trop d’immigrés en France » : 56 % des Français l’approuvent, en hausse de 3 points par rapport à la vague précédente et, au total, de 7 points par rapport au printemps 2022.
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